Dans cet épisode de FCK NZS, nous analysons Cyril Mendre et Drakkar Productions, un label central dans la diffusion de groupes liés au National Socialist Black Metal. Cet article détaille le parcours de Cyril Mendre et le rôle du label dans la visibilité de projets musicaux controversés.
Parcours de Cyril Mendre
Débuts et premiers projets
Cyril Mendre, né à Nîmes en 1974, commence à se faire connaître avec le projet Seyiren, puis Celestia, dans lequel il est toujours actif. Depuis 1995, il est chanteur, guitariste et bassiste dans Celestia sous l’alias Noktu.
À ses côtés, Jérôme Grollier alias Spektor, anciennement chez les Acteurs de l’Ombre avec ACOD, participe au projet, ainsi que Stéphane Paut alias Neige (Alcest), qui a joué à la basse en 2002. Le tout signe chez Drakkar Productions.
Genocide Kommando
Depuis 2002, Mendre est dans le projet Genocide Kommando, au côté de Diktator Spektr (alias J., Jérome, Diktator, J.Spktr, Inquisitor S.). Ce dernier est une figure centrale du black metal radical, raciste et antisémite, membre de Gestappo 666, Order of the Death’s Head et Vouïvre.
Genocide Kommando est signé chez Osmose Productions, un autre label hautement problématique et toujours français.
Mortifera
Depuis 2003, il est membre de Mortifera sous le pseudonyme Noktu Geiistmortt, groupe fondé avec son grand ami Diktator Spektr.
Parmi les membres qui ont contribué à ce projet, on retrouve à nouveau Stéphane Paut alias Neige, qui a fait partie du projet à la basse entre 2001 et 2005.
Gestapo 666
Dès 2019, Mendre rejoint Gestapo 666 sous l’alias k.NkTU. Il est toujours aux côtés de Diktator Spektr, mais surtout avec Lauri Penttilä alias Werwf, néo-nazi finlandais et fondateur du label Werewolf Records. Dans Gestapo of Satan (2002), les paroles “Be an eternal S.S” illustrent cette référence explicite à l’imaginaire nazi, fréquemment revendiqué par le groupe.
Le groupe affiche clairement ses opinions : national-socialisme, antisémitisme, antichristianisme et anti-islam.
Projets parallèles et collaborations controversées
À côté de ses groupes officiels, Mendre participe à plusieurs projets parallèles et collaborations notables. Il joue notamment avec Peste Noire, en 2012 Les Démos (chez La Mesnie Herlequin), en 2003 sur Phalènes et Pestilence – Salvatrice Averse, et en 2007 Mors Orbis Terrarum (2007).
Certain·es musicien·nes mentionné·es ici ont pu collaborer ponctuellement avec Cyril Mendre dans des contextes purement artistiques. Ces participations ne constituent pas nécessairement une adhésion idéologique. Toutefois, la répétition de certaines associations, la présence récurrente de thématiques extrêmes et les labels impliqués soulignent la porosité de la scène black metal entre provocation artistique, radicalité esthétique et idéologies d’extrême droite.
Il collabore aussi avec Satanic Warmaster (Revelation Of The Night, 2008, chez Tour De Garde), et plus récemment avec Vouïvre (Split Vouïvre / Gestapo 666, 2020, Drakkar Productions), rappel au passage, Vouïvre c’est Cyril Mendre, Diktator Spktr, HGH, Sün, Florian Denis et Ludivic Faure, acteurs identifiés dans des projets explicitement NSBM. En 2022, il participe à Order of the Death’s Head à la basse sur l’EP Reliques, également publié par Drakkar Productions.
Une anecdote sur la collaboration avec Vouïvre : l’artwork de l’album a été réalisé par Nicolas Claux, condamné pour meurtre homophobe, cannibalisme et profanation, surnommé le « vampire de Paris ».
On commence ainsi à comprendre la place de Cyril Mendre dans notre série FCK NZS et l’ampleur de son influence dans la scène black metal radicale.
Catalogue de Drakkar Productions
Groupes problématiques et contenus controversés
Le catalogue de Drakkar Productions inclut à la fois des sorties originales et des rééditions. Plusieurs groupes présentent des textes, une imagerie ou des affiliations idéologiques problématiques :
- Grand Belial’s Key : reconnu pour ses textes antisémites et nazis
- Gestapo 666 : nom et imagerie font référence à la Gestapo
- Black Murder : lié à la scène NSBM française
- Vérmyapre Kommando, Dzlvarv et Séviss : associés à la scène NSBM française
- Arghoslent : textes racistes et antisémites
- Goatreich 666 : nom et symboles évoquent le nazisme
- Nahash : aborde des thèmes occultes et parfois controversés
- Order Of The Death’s Head : nom et imagerie liés au nazisme
- Burialkult : rattaché à la scène NSBM
- Beastcraft : liens avec des idéologies extrêmes
- Graveland : leader Rob Darken associé à des idéologies nationalistes polonaises et symboles controversés
- Vlad Tepes et Belkètre : souvent cités dans la scène NSBM française
- Mütiilation : certains membres associés à des cercles controversés
- Nidsang : thèmes occultes et parfois liés à des idéologies radicales
- Torgeist : lié à la scène black metal française des années 1990 et parfois controversé
- Slavia : thèmes nationalistes slaves
- Watain : certains membres associés à des déclarations controversées
- Celestia : projet de Noktu, associé à la scène black metal française et idéologies radicales
- Abigail : certains membres associés à des cercles controversés
- Tsjuder : thèmes violents et parfois liés à des idéologies radicales
Distribution et labels affiliés
Drakkar Productions distribue également sur son shop online des labels liés au NSBM ou à l’extrême droite :
- No Colours Records (Allemagne) : Grand Belial’s Key, Absurd, Der Stürmer, Graveland à ses débuts controversés
- Northern Heritage (Suède) : spécialisé dans le black metal radical et paganiste, avec des groupes aux idéologies nationalistes ou NSBM
- Dusktone (France) : lié à la scène black metal radicale, avec Mütiilation et Vlad Tepes
- Black Gangrene (Finlande) : spécialisé dans le black metal extrême, avec Beastcraft et Goatpenis
- Altare Productions (Italie) : lié à la scène black metal radicale et NSBM, avec Nazxul, Evil et Torgeist
- Osmose Productions : l’un des plus grands labels de black metal, ayant publié Marduk, Ad Hominem, Graveland ou Baise Ma Hache
Économie et diffusion
Le shop de Drakkar Productions propose plusieurs centaines de références, dont une part importante issue de labels connus pour leurs liens avec la scène NSBM (No Colours Records, Northern Heritage, Altare Productions, etc.).
Ce modèle fonctionne sur la revente et la coproduction : chaque label distribue à la fois ses propres sorties et celles de ses partenaires, créant un réseau international d’échanges commerciaux.
Cette interdépendance économique brouille les frontières entre « distribuer » et « soutenir » : en diffusant ces productions, Drakkar Productions assure la visibilité et la pérennité d’une scène qui se présente comme marginale mais dispose en réalité d’une logistique solide et transnationale.
Festivals NSBM et radicalisation clandestine
En février 2023, un concert de black metal néo-nazi intitulé « Night for the Blood » a été interdit par Gérald Darmanin dans les Vosges, en raison de la présence de groupes NSBM comme Stahl Front, Eidkameraden, Todesschwadron et Leibstandarte.
Les organisateurs ont tenté de dissimuler le lieu exact, procédant à des réservations et envoi d’instructions par SMS. Cette pratique reflète l’historique de la scène néonazie dans le Grand Est, où des rassemblements illégaux ont régulièrement eu lieu depuis les années 1980. L’enquête de Blast met en lumière le risque de radicalisation associé à certains groupes de black metal. Selon Alexander Samuel, « une petite partie de ce genre fait l’apologie du nazisme, mais il y a toute une zone grise ».
Certains labels français participent indirectement à la diffusion de ces groupes. Le catalogue de Drakkar Productions inclut par exemple des formations comme Gestapo 666 ou Goatreich 666, fréquemment associées à des rassemblements NSBM ou à des réseaux de diffusion extrémistes. Sans preuve directe de participation du label à ces événements interdits, la présence de ces groupes dans son roster souligne toutefois son rôle dans les circuits de distribution qui soutiennent indirectement la scène clandestine.
Sur le plan juridique et institutionnel, la scène NSBM fait l’objet de surveillance renforcée en France, l’interdiction du festival « Night for the Blood » illustre l’attention portée par les autorités aux rassemblements à finalité néonazie. Cette dimension étatique rappelle que la diffusion musicale ne reste pas neutre du point de vue de l’ordre public.
Alexander Samuel a porté plainte pour menaces de mort contre Cyril Mendre, qui avait publiquement diffusé son adresse en appelant ses fans à aller lui rendre visite. (source : Blast)
Réactions de Cyril Mendre
Dans un entretien accordé à Blast (21 février 2023), Cyril Mendre conteste les accusations portées contre lui et affirme qu’“il n’y a aucun propos néo-nazi dans aucun de [ses] textes”. Il reconnaît avoir publié l’adresse d’Alexander Samuel, mais nie toute intention de provocation.
Toutefois, des archives de metal indiquent que certaines de ses premières chansons contiennent des paroles telles que « Heil Aryan », « Be an eternal S.S », ou « Hail Gestapo », ainsi que des textes évoquant la destruction de synagogues et de « valeurs judéo ».
Dans des interviews passées, Mendre avait tenu des propos provocateurs, allant jusqu’à déclarer qu’il admirait Hitler dans un contexte musical et artistique. Il nuance aujourd’hui ses propos et précise : « Je ne fais pas de politique ». Il demande que son point de vue soit compris comme une critique des interprétations abusives, tout en reconnaissant que certaines de ses anciennes déclarations et titres de chansons peuvent paraître ambiguës.
Ce contexte illustre la complexité de la scène NSBM, où les provocations artistiques, les références historiques et les affiliations idéologiques se mêlent. Les réactions des musiciens comme Mendre oscillent entre contestation, clarification et ambiguïté.
Les chercheurs en sociologie de la musique (Benjamin R. Teitelbaum, Lions of the North, 2017 ; Nicolas Walzer, Black Metal, musique extrême et philosophie, 2013) montrent que la scène black metal combine fascination pour la transgression, quête d’authenticité et rejet du monde moderne. Ces éléments créent un terreau où certaines franges radicales introduisent des références nationalistes ou raciales sous couvert de provocation artistique. L’ambiguïté permanente entre esthétique et idéologie explique la persistance de la “zone grise” évoquée par Alexander Samuel.
Conclusion
Cyril Mendre et Drakkar Productions incarnent l’intersection entre musique black metal et idéologies radicales. Leurs collaborations, leurs projets et le catalogue du label témoignent d’une scène où provocations artistiques, références historiques et affiliations controversées se mêlent.
Les événements récents, comme l’interdiction de concerts et les polémiques autour des paroles et déclarations de Mendre, montrent que cette scène reste sous surveillance, avec un potentiel de diffusion d’idéologies extrêmes. Cette analyse illustre l’importance de comprendre les liens entre art, provocation et responsabilité dans un milieu musical où l’ambiguïté et la controverse sont permanentes.
Pour les organisateurs de festivals, les intervenants en prévention ou les bénévoles de terrain, la présence d’acteurs liés à la scène NSBM comme Drakkar Productions pose des défis : il ne s’agit pas seulement d’une question musicale mais d’une question de radicalisation, d’idéologie et de responsabilité. Comprendre les circuits de production, de diffusion et de consommation de ces musiques peut aider à mieux former les équipes de prévention et à anticiper les enjeux de sécurité ou d’influence idéologique sur les publics.
Sources utiles
- Fiche « Drakkar Productions » sur Encyclopaedia Metallum (Metal‑Archives) : date de création 1994, mention de NSBM comme style. (Encyclopaedia Metallum)
- Article « Promotion NSBM : Cyril Mendre / Drakkar Productions & Noktu de Peste Noire » (AntiPesteNoire, 10/04/2019) : liens explicites entre le label, des sorties NSBM, des groupes mentionnés. (antipestenoire.noblogs.org)
- PDF « Race and Nation in White‑Power Music » (K.A. Dyck, 2012) : mention de Drakkar Productions dans le contexte de la musique « white power » / NSBM. (rex.libraries.wsu.edu). Dans cette étude, Dyck (2012) montre que la musique dite “white-power” s’inscrit dans une économie internationale articulant race et nation au-delà du simple registre musical. Elle analyse notamment comment les réseaux de distribution indépendants, dont certains labels de black metal comme Drakkar Productions, participent à la circulation de ces récits identitaires.
- Article « Nazis dans le rétro #6 : musique heil en Lorraine » (Infolibertaire, 21/02/2024) : contexte plus large de la scène NSBM en France. infolibertaire.net
- Article « Call of Terror & Hot Shower 2024 … » (AntiPesteNoire, 07/03/2024) : évoque les festivals NSBM clandestins en France, utile pour la partie « festivals ». (antipestenoire.noblogs.org)
























