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Retour sur le KB Trav’ 2025 des Éonté.e.s

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Organisé par l’association Les Éontées, le KB Trav’ est une soirée annuelle qui remet le cabaret à sa place : celle d’un art populaire, libre. Le vrai cabaret, pas celui de TF1.

Cette année, le thème plongeait le public dans un faux enregistrement d’émission télévisée : entre caricature d’animatrice déconnectée et invité·es délirant·es. On a eu la chance d’accueillir les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, venues du Couvent Écume et Nique de Bretagne : Sœur Proxima des Senteurs des Astres Éternels et Sœur Frida Culot Rectal Ar Ch’alvar. Puis un show à l’américaine a pris le relais : une trentaine de drag venu·es de tous horizons ont défilé librement, fièrement. La soirée s’est prolongée en boom jusqu’au milieu de la nuit.

J’ai passé deux jours à Rostrenen, ce bout du monde breton que certain·es croient figé, a offert une leçon de vie. Parce qu’ici, contrairement aux clichés, la campagne vit, danse et crée. Organiser une soirée drag queen/king en milieu rural, c’est un acte politique fort. Ce n’est pas la routine parisienne. C’est un pari risqué, courageux et terriblement nécessaire.

Ici, tout le monde se connaît. Le boulanger devient Brigitte de Sologne, la vendeuse du marché devient le Capitaine Pistache. Ces personnes dépassent leur propre peur de se montrer devant leurs voisin·es, et brisent en même temps des idées reçues profondément ancrées. C’est ça, la force de ce type d’événement : la sincérité, le courage et le lien humain.

Et cette force vient directement de la manière dont Les Éontées fonctionnent. Ce sont des personnes qui se fréquentent toute l’année, ami·es en dehors du cadre associatif, qui se connaissent vraiment et prennent soin les un·es des autres. Iels avancent ensemble, sans hiérarchie, sans ego, chacun·e à sa place, compétent·e dans son domaine. Résultat : tout devient fluide, efficace, évident. Quand une équipe se traite comme une famille, l’événement qui en sort est à son image : bienveillant, sincère, humain. Et le message est clair : les personnes malveillantes ne sont pas les bienvenues ici.

Au début, les habitant·es du coin étaient surtout curieux·ses. Puis, petit à petit, les sourires se sont échangés, les applaudissements sont montés, et la magie a fait le reste. Tout le monde n’est pas resté jusqu’à la boom, mais tout le monde est reparti avec des paillettes, de la joie et sans doute quelques préjugés en moins. Je crois profondément que ce genre d’événement prouve qu’un territoire rural peut être autre chose que ses fêtes de la saucisse ou ses courses de tracteurs. La campagne peut être moderne, ouverte, inclusive. Elle peut accueillir des événements queer, LGBT, drag, et participer pleinement aux luttes qui vont avec.

Mon intervention ? J’ai installé un stand de prévention, affiché des messages inclusifs, fait des maraudes, écouté, parlé, rassuré, observé. C’est resté calme et respectueux. Dans ce genre d’ambiance, mon travail consiste surtout à écouter et à apprendre. J’ai croisé des visages heureux, fier·es, ému·es d’avoir défilé. J’ai vu des organisateur·ices les larmes aux yeux, épuisé·es et rayonnant·es à la fois. Et j’ai parlé avec des gens de tous horizons, tou·tes m’ont appris quelque chose. J’ai ressenti une immense fierté d’être là, à cet endroit précis, à ce moment précis.

Mon métier me met souvent face au pire de l’humanité. La saison a été lourde, humainement, émotionnellement. Mais ce week-end-là, j’ai retrouvé ce que je cherche sans toujours le trouver : la preuve que la bienveillance existe, qu’elle est possible. Ce genre de soirée redonne envie de continuer, de lutter, de se battre pour que ces espaces existent ailleurs. Parce que oui : la politique, la vraie, c’est ça. Pas celle des plateaux télé ni des postures, mais celle du terrain, du quotidien, des gens qui créent de la liberté ensemble.

Parce que la liberté appelle la créativité, et que l’une ne va jamais sans l’autre. Nos campagnes survivront si on leur offre des raisons d’aimer, de rêver, de s’exprimer. Être partenaire d’une soirée drag, c’est exactement ça : faire de la politique, au sens noble. Ça change des vies, ça ouvre des yeux, ça soude des communautés.

Je repars de ces deux jours avec de l’espoir, de la fierté, et un mètre étalon : c’est ce type d’ambiance, d’esprit, de bienveillance qu’il faut semer partout, pas seulement dans le milieu festif. Mon travail, désormais, c’est d’essayer d’en faire jaillir ne serait-ce qu’une plume, à chaque fois. Les moments d’amour, les vrais, existent. J’en ai vécu un hier soir.

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