
Capotes de verre : prévenir la soumission chimique en festival
Capotes de verre : prévention et réalité de la soumission chimique en milieu festif
Un outil venu d’ailleurs
Aujourd’hui, à l’aube des plus gros festivals de l’été, on va aborder un sujet qui fait débat dans le milieu de la prévention : les capotes de verre. C’est une question que l’on me pose régulièrement sur le terrain.
Ce dispositif est né au Royaume-Uni et aux États-Unis dans les années 2010, suite à de nombreuses plaintes, principalement de femmes, ayant été droguées à leur insu dans des boîtes de nuit et autres environnements festifs. Il s’agit d’un accessoire de protection pour les verres ou gobelets, fabriqué en tissu extensible, silicone ou plastique, à usage unique ou réutilisable. Son objectif est simple : empêcher qu’une substance soit versée discrètement dans une boisson.
Une pratique invisible, un fléau bien réel
La soumission chimique est une pratique ancienne, longtemps considérée comme un tabou, un secret de polichinelle dans le milieu de la nuit. Les établissements festifs, souvent mal outillés et peu formés, n’ont pas su réagir efficacement. Beaucoup ont préféré ignorer le problème. Heureusement, les associations de prévention ont pris le relais : d’abord sur le terrain, en sensibilisant notamment les femmes à ces pratiques, puis à plus grande échelle, avec des campagnes nationales comme « Touche pas à mon verre« .
La soumission chimique permet à des agresseur·euses de rendre leurs victimes plus dociles, voire incapables de se défendre. Certaines substances provoquent des pertes de mémoire totales, sans laisser de traces. Ces agressions mènent souvent à des violences sexuelles, dont des viols.
Les drogues utilisées
Parmi les drogues les plus utilisées : le GHB (gamma-hydroxybutyrate) sous forme liquide ou en poudre, le Rohypnol (flunitrazépam), la kétamine, ainsi que tous les dérivés de benzodiazépines comme le Xanax, le Valium ou le Temesta. Leurs effets sont proches : sédation, désinhibition, amnésie, somnolence, perte de conscience, dissociation, hallucinations, paralysie partielle, perte de repères. Ces substances, combinées à d’autres (alcool ou médicaments), peuvent être mortelles pour des personnes allergiques ou présentant des contre-indications.
Elles peuvent rester jusqu’à trois jours dans le sang, et une semaine dans les urines. Pourtant, dans près de 50 % des cas, aucune substance n’est détectée, soit à cause d’un dépistage trop tardif, soit à cause de doses trop faibles. Il est donc primordial de consulter un·e professionnel·le de santé ou de porter plainte rapidement pour réaliser des analyses dans les 24 heures.
Les effets concrets sur les victimes
Ces substances sont incolores, inodores, et n’altèrent pas le goût. Elles agissent rapidement (entre 10 et 30 minutes), provoquent des amnésies totales et créent une dissociation profonde : la victime est souvent incapable de réagir ou de s’échapper. Elle se retrouve prisonnière dans une camisole chimique, enfermée dans un corps qu’elle ne contrôle plus.
Sur le terrain : témoignage et prise en charge
Lors de nos maraudes en festivals, nous sommes extrêmement attentif·ves aux personnes isolées ou sous l’emprise de substances, qui ne comprennent pas ce qui leur arrive. Bien sûr, de nombreuses personnes consomment des substances de manière volontaire, et cela relève de leur choix personnel. Nous ne sommes pas là pour juger. Mais parfois, même ces personnes se retrouvent dépassées par les effets ressentis, ce qui nous amène à les prendre en charge et les orienter vers la protection civile, qui décide alors si une évacuation est nécessaire.
Dans la majorité des cas, ce sont des proches qui donnent l’alerte. Les profils les plus fréquents sont des jeunes femmes, entre 18 et 30 ans. Elles sont totalement éteintes, parfois couchées ou assises, sans réaction. Elles respirent, mais leur regard est fixe, vitreux. Certaines vomissent, d’autres pleurent ou gémissent. C’est souvent leur seul moyen d’exprimer la détresse de ce que leur corps subit.
Des victimes diverses, des cibles vulnérables
Au-delà de l’âge, les profils sont très variés. Environ 80 % des victimes sont des femmes, souvent étudiantes. Mais la communauté LGBTQ+ est aussi particulièrement ciblée. Il peut y avoir des motivations racistes, mais la majorité des agressions sont opportunistes : une personne isolée, déjà alcoolisée, ou perçue comme vulnérable est plus facilement ciblée.
Les auteur·ices
Qui sont les auteurs de ces actes ? L’affaire Pelicaud a montré que cela peut être un père de famille. Sur le terrain, nous observons que les agresseur·euses sont souvent des connaissances : ami·es, camarades, collègues. Il n’est pas rare de voir des groupes d’ami·es se réunir pour distribuer des substances dans les verres, comme une sorte de rituel de début de soirée, sans réellement savoir ce qu’ils ou elles consomment. À cela s’ajoutent des agresseur·euses opportunistes, solitaires, appelés parfois « chasseur·euses » dans notre jargon. Il est extrêmement difficile de prévenir ce type d’agissements autrement que par la sensibilisation, et les quelques outils à notre disposition. À ce jour, le seul outil vraiment efficace reste la capote de verre.
Capotes de verre : entre utilité et polémique
Ce n’est pas une solution parfaite, mais c’est ce que nous avons. Qu’on l’appelle Cupdom, capote de verre ou autre, cet objet fait débat. Certain·es considèrent que c’est un gadget lucratif, voire contre-productif, arguant qu’il déresponsabilise les femmes et crée une barrière financière à la sécurité. Chez Eclipshead, nous pensons que ces critiques sont infondées. Si un petit bout de silicone ou de tissu peut rassurer une personne, alors il faut le proposer. Dans la majorité des cas, nous les distribuons gratuitement, sans faire payer les personnes qui ont eu la bonne habitude de venir se protéger. J’ai déjà rencontré des femmes qui refusaient de consommer la moindre boisson sur un festival si aucune protection n’était disponible. À nos yeux, ces capotes de verre devraient être aussi communes que des bouchons d’oreilles ou des préservatifs.
Un frein économique
Le véritable frein, c’est le coût. À environ deux euros pièce, cela devient rapidement un budget ingérable pour un festival, surtout que ces dispositifs sont ensuite donnés gratuitement. Ce n’est pas un produit de merchandising. Nous recommandons aux festivalier·ères de s’équiper en amont : ces protections sont réutilisables, personnalisables, partageables. En attendant que les prix baissent et que les organisateur·rices investissent massivement, c’est notre meilleure solution.
Des alternatives limitées
Il existe d’autres alternatives comme les stickers testeurs, les pailles détectrices ou les cartes de test, mais elles sont à usage unique, et ne couvrent pas l’ensemble du spectre des drogues utilisées pour la soumission chimique.
Un concours engagé
Nous profitons de cet article pour vous proposer un petit concours sur les réseaux. Trois lots de trois capotes de verres sont à gagner, en partenariat avec Capote2Verre, un fabricant de qualité que nous vous recommandons vivement.
Ce n’est pas une solution parfaite, mais c’est ce que nous avons aujourd’hui. Il n’y a pas de débat à avoir sur son efficacité. Sur le terrain, nous le constatons chaque jour. Si un·e agresseur·e a le choix entre un verre protégé et un autre non protégé, il ou elle choisira la facilité. Quant à la supposée « responsabilité » des femmes, celles qui viennent nous demander ces protections savent parfaitement ce qu’elles font. Elles connaissent les limites du dispositif. Et elles s’en servent bien.
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